Il y a des instants à la pêche qui vous marquent parce qu’ils vous dépassent. Pas forcément pour la taille ou la quantité des poissons qui viennent à l’épuisette. Parfois ce n’est plus vous qui faites la pêche mais la pêche qui emporte et vous façonne. Pendant une petite heure je n’étais plus au bord de la rivière, j’étais transporté.Ma journée de pêche de jeudi commence dans la matinée avec tout ce qu’il y a de plus normal. Je mets en route la machine à pêcher. Les lancers s’enchainent. Espacés d’un mètre à chaque fois, mon Farina 90SR explore tout d’abord la berge en face pour effectuer sa dérive, à la bonne vitesse, à la bonne profondeur et finir dans mes pieds. Je couvre ainsi au mieux chaque coulée afin d’optimiser toutes mes chances de déclencher une attaque.L’attaque arrive finalement rapidement avec un ferrage assuré. Joli combat dans le courant pour cette fario de 46cm qui finalement rejoint l’épuisette. Soulagement, enfin un poisson qui ne s’est pas décroché pour me faire oublier les petits ratés des sessions précédentes.
De retour le soir, sur un autre parcours. Je me rends compte que la rivière a bien baissé. Je décide de ranger mon Farina de 9cm pour un petit crank silencieux de 4cm pour 5 gr, le imatetra tri, la version la plus musclée de la famille des imatetra. Il brille bien et vibre même a très basse récupération. Je sens quand il touche le fond et le voit se désaxer quand il touche une pierre pour revenir aussitôt en place. Nickel ! Je ne pêche quasiment jamais la truite au crank, mais là je le sens bien !Je fais un lancer amont sur un courant léger. Le leurre vibre bien, je ressens 2/3 tapes de cailloux. Ha non en fait une lourdeur vient me confirmer qu’il s’agit d’une truite qui aussitôt s’agite en surface pour se décrocher tout aussi rapidement. J’ai oublié de ferrer !Il y a des vairons par dizaines en bordure, rassemblés dans dix centimètres d’eau pour gober les nuages de petits insectes. Ils sortent partiellement voir entièrement de l’eau. Vu de loin c’est un véritable ballet hypnotique. Il y a de la vie ce soir !Cinquante mètres plus haut, tandis que je suis accroché dans une branche, j’entends des bruits étranges. Je me dis “tiens ils sont bien gros les vairons !”. Éclaboussures et gros remous, il s’agit en fait d’une truite de 60+ qui chasse dans 10cm d’eau à 5 mètres de moi. Le manège intense dure quelques secondes et je vois repartir la fario avec un blanc de 15cm en travers de la gueule. Il y a toujours quelque chose d’extrêmement fascinant dans ce drame naturel de la vie et de la mort dont je suis le témoin privilégié…
Malgré tout, je décide de garder mon petit crank.Un peu plus haut, c’est un missile moucheté de 50 cm qui traverse la rivière, fonce sur mon imatetra, le rate, et repart aussi vite ! Adrénaline 100% ! J’enlève mes lunettes polarisantes Wiley x pour constater que je n’aurais rien vu de la scène sans elles…Je me prends ensuite une tape très violente dans un autre courant qui me sort un mètre de fil malgré un frein bien serré. Inferrable évidemment ! On dirait que les truites ont très énervées ce soir, trop certainement et ça n’est pas toujours les meilleurs conditions pour concrétiser une prise…J’arrive au niveau d’une coulée bordée de saules dont la berge enracinée offre de superbes caches. Mon imatetra se pose délicatement sur la berge d’en face et effectue une dérive la plus lente possible. Là encore, mon imatetra arrive en bordure de mon côté et je vois un nouveau missile foncer dessus et le rater ! Je stop la récupération. Elle se retourne et le rate encore ! Un petit coup de scion. Cette fois elle l’a en bouche. J’attends une fraction de seconde pour ne pas ferrer trop tôt. Pendue ! La défense est intense mais avec un bas de ligne 30/100 j’abrège rapidement le combat pour ne pas la fatiguer inutilement.
Elle a une robe exceptionnelle. Certainement la plus belle depuis que je pêche cette rivière. Le fond jaune sablonneux de la zone et l’ombre des racines explique ses couleurs…Quelle soirée !Pour un premier test, le imatetra tri m’a largement réconcilié avec l’utilisation des cranks pour pêcher la truite. Mais celui ci a de sérieux atouts. Désormais devenu mon “sauve bredouille”, ce petit “crank finesse” silencieux se lance très bien et se pose délicatement. Parfait pour pêcher des coulées au courant moins fort sur des poissons devenus méfiants. Malgré sa petite taille, il permet néanmoins par sa capacité vibratoire et ses reflets intenses et subtiles de séduire de beaux poissons.